Reims, Décembre 2022
Du temps de Pierre Chanoine, le fondateur de la maison au XVIIIème siècle, l'effervescence des vins de Champagne était aléatoire, non garantie et moins forte, de l’ordre d’à peine 2 bars. On parlait alors de “mousseux” ou de “saute-bouchon”.
Aujourd’hui la nature et le processus de formation des bulles du champagne sont connus et suffisamment maîtrisés au point que les chefs de cave peuvent, au cours de l’élaboration et du vieilliessement des vins, avoir une influence sur la taille des bulles des différentes cuvées qu’ils préparent.
Isabelle Tellier, Chef de cave de la maison Chanoine Frères 1730 dont elle élabore toutes les cuvées, explique les bulles du champagne et plus particulièrement les fines bulles de Tsarine…
Comment se forment les bulles du champagne
“— Première étape, la prise de mousse, là où tout commence. C’est en fait lors de la deuxième fermentation en bouteille, caractéristique des vins effervescents, que se forment les bulles. Elle dure de 6 à 8 semaines, dans les caves à une température fraîche et constante. Sous l’action des levures, le sucre se transforme en alcool et en gaz carbonique.
Le gaz carbonique s’accumule dans la bouteille fermée, d’une part à l’état dissous dans le vin, d'autre part à l’état gazeux dans l’espace en haut de la bouteille. A la fin de la prise de mousse, la pression dans la bouteille est considérable puisqu’elle atteint 6 bars.
Deuxième étape, l’ouverture de la bouteille, il y a une perte de pression, c’est la “loi de Henri” : le gaz dissous dans le vin doit sortir et il sort sous forme de bulles. Il y a donc bulles si et seulement si la bouteille est ouverte.
Troisième phase, dans le verre. Les bulles se forment à partir des impuretés présentes à la surface du verre (fibres, cellulose). Les bulles grossissent du fait de ces aspérités et de l’air qui les entoure. On a pu mesurer qu’un verre peut libérer un million de bulles.”
Ma philosophie des bulles, la finesse
“— Comme Chef de cave, je réalise une prise de mousse à une température constante de 11°C pendant une durée de 6 à 8 semaines et je joue sur la quantité de sucre pour obtenir de fines bulles. En effet si l’on met beaucoup de sucre, il y aura davantage de pression dans la bouteille et par conséquent des bulles plus grosses au moment de leur libération, le contraire de ce que je recherche.
Personnellement, j'aime les bulles fines, et Tsarine c’est toujours de fines bulles. C’est une caractéristique du style Tsarine à laquelle je suis très attachée. Les bulles fines, c’est plus joli et plus délicat. La bulle permet d’exhaler les arômes parce que la bulle enferme les arômes puis, quand les bulles montent à la surface du verre, elles libèrent les arômes du vin de champagne.
Ma philosophie est claire : pour des vins fins, il faut de fines bulles. Des bulles fines qui subliment les arômes délicats, aériens. De plus dans la bouche, ces bulles fines seront douces au palais.
Qu’il s’agisse de champagne Tsarine rosé ou blanc, les bulles seront identiques. Seul le vieillissement a un impact sur les bulles : plus le vin est vieux, plus les bulles seront fines parce que se produit une légère perte de pression au fil du temps dans la bouteille.”
Les conseils d’Isabelle pour les amateurs de bulles fines
“— Je conseille de déguster le champagne dans des verres à vin qui concentrent les bulles. À l’opposé, les coupes présentent une surface d’échange avec l’air trop importante et de ce fait, les bulles se libèrent trop vite et disparaissent rapidement. Je recommande d’éviter absolument de boire dans des flûtes en plastique, les bulles ne seront ni belles, ni fines.
Au moment de servir le champagne, je conseille d’incliner légèrement le verre, il y aura moins de mousse, ce sera plus joli et plus présentable. On tient le flacon par dessous le cul de la bouteille, à pleine main, l’inclinaison du flacon est ainsi plus facile à contrôler. On peut ainsi verser le champagne plus lentement et avoir le plaisir de contempler le ballet des bulles”.
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